Plagiocéphalie: prévention et traitement
Si l’on regarde à l’infini le visage de son bébé, il est beaucoup plus rare que l’on prête une quelconque attention à l’arrière de son crâne, et pourtant…
L’inspection très minutieuse faite par les parents à la naissance leur a montré que sa tête, plus ou moins couverte de cheveux, était bien ronde. Comment imaginer qu’elle puisse ne pas le rester ?
L’enfant, pour dormir, est installé en position dorsale pour respecter les consignes de prévention de la mort subite; et les parents assistent, enchantés, aux transformations physiques de leur bébé.
Et puis…lors d’un examen pédiatrique, il est remarqué un aplatissement de l’arrière du crâne; soit de tout l’arrière-crâne, soit de la partie gauche ou droite de cet arrière-crâne.
Cela est dû à un appui trop permanent de ce crâne sur le plan de son lit.
Le crâne du bébé n’est pas, en effet, une masse dure indéformable. Il est constitué de plaques osseuses séparées par des ponts, des sutures et fontanelles qui rendent l’ensemble malléable. De même qu’un abricot mûr que l’on laisserait trop longtemps sur une assiette finit par s’aplatir, de même le crâne du bébé trop longtemps plaçé en appui postérieur finit lui aussi par s’aplatir. Soit aplatissement de toute la partie postérieure du crâne = Brachycéphalie; soit aplatissement sur un côté choisi par l’enfant pour dormir = Plagiocéphalie.
Brachycéphalie :L’arrière du crâne est uniformément aplati.
Plagiocéphalie :L’arrière du crâne est aplati sur un côté
20% des nourrissons « occidentaux » sont atteints d’une déformations de l’arrière-crâne.
Entre 1995 et 2010 le pourcentage de ces déformations est passé de 5 à 20% ( source: Revue pediatrics 2013)
Ces déformations sont-elles anodines et transitoires ? NON
Pourquoi?
Il est prouvé qu’à partir d’un certain degré de déformation, celle-ci restera définitive et entraînera donc une situation inesthétique permanente chez le grand enfant et plus tard l’adulte.
Garçon de 3 ans 1/2: plagiocéphalie droite persistante.
Par ailleurs certaines études viennent semer le trouble quant à de possibles conséquences cérébrales: un retard du coeficient de développement et des performances cognitives a été noté chez des enfants de 36 mois ayant présenté une déformation crânienne postérieure positionnelle, en comparaison avec un groupe témoin indemne de toute déformation. (Académie Américaine de Pédiatrie)
Ce qui n’est pas pour surprendre vraiment quand on sait que le cerveau est plaqué contre la paroi osseuse et qu’il va donc subir lui aussi une déformation et une compression.
La prévention.
A la maternité: dépistage d’un torticolis congénital:
Parfois l’enfant est un peu « coinçé » dans l’utérus maternel et son corps subit des contraintes. Les contraintes peuvent s’exercer sur les pieds, avec retentissement possible sur les hanches recherché systématiquement; elles peuvent s’exercer sur le crâne qui se retrouve désaxé par rapport au cou. L’enfant naît alors avec une tête penchée d’un côté.
L’examen de la tête des nouveaux-nés se devrait d’être systématique; les déformations étant plus fréquentes pour un premier né, un garçon, un gros poids de naissance, un jumeau de plus faible poids.
Les manoeuvres ostéopathiques pour assouplir les muscles du cou doivent être mises en place rapidement pour redonner un équilibre vertébro-musculaire correct. Sinon l’enfant ira forcément choisir de dormir du côté qui le contraint le moins, et développera une plagiocéphalie.
De retour à domicile : Il faut impérativement alterner le côté d’appui du crâne sur le plan du lit.
Bébé dormira ainsi alternativement la tête tournée à gauche, puis à droite. Alternativement, un jour sur deux, ou une tétée ou un biberon sur deux selon votre choix. Et attention à la position du bébé dans son lit quand il est encore dans la chambre des parents. C’est sympathique et rassurant pour la mère allongée de voir la figure de son bébé, mais si cela implique qu’il dorme toujours du même côté, il y a risque de déformation. Changez la position du berceau, ou changez la position du bébé dans son lit ou..changez vous même de place.
Jour après jour, à la maison:
- Continuer d’alterner la position de la tête
- Alterner la direction des stimulis: mobile, lumière;
- Si l’enfant est nourri au biberon, alternez la position de vos bras qui soutiennent l’enfant,
- Ne le laissez pas s’endormir ou séjourner trop longtemps dans un baby-relax ou une cocque rigide,
- Alternez la position de la tête de l’enfant quand il est porté dans un porte bébé.
- Placez le sur le ventre plusieurs fois par jour, quand il est éveillé, afin de « muscler »son cou.
- Attention aux matelas qui « cocoonnent »; la tête du bébé s’enfonce si bien dans ce « chamalow » qu’elle a du mal à glisser de droite à gauche. Et comme l’enfant choisi souvent un côté, celui-ci s’enfoncera et se fixera volontiers dans ce nid douillet.
Le traitement d’une déformation constituée.
Une seule règle: ne plus permettre l’appui sur la zone aplatie.
Il faut donc placer l’enfant en position latéralisée pendant son sommeil:
- En alternant régulièrement les côtés droits et gauche si l’aplatissement postérieur de la tête est uniforme;
- En ne le positionnant la tête que du côté opposé à la déformation, si l’aplatissement est unilatéral.
Comment réaliser cette position latéralisée ? Avec un coussin de latéralisation.
Positionneur latéral
Ce coussin, adapté à la croissance du bébé, ne sera, au départ qu’installé pendant la journée, sous surveillance des parents. On vérifiera que le sommeil de l’enfant est correct, que le coussin est bien supporté et que la position de l’enfant reste stable. Rapidement ce coussin sera proposé jour et nuit.
L’ostéopathie est-elle utile pour corriger une déformation constituée ? Oui si elle accompagne le traitement positionnel. Non si elle reste un traitement unique et isolé, et ce, quelque soit le nombre de séances…
Le casque est la seule solution de rattrapage d’une déformation sévère. Porté pendant plusieurs mois, le casque passe en « pont » au dessus de la déformation, permettant progressivement l’expansion de la zone aplatie vers sa courbure physiologique. Mais il s’agit d’un traitement « lourd » (et cher).
Casque de remodelage crânien
Pourquoi cette fréquence élevée de plagiocéphalies positionnelles postérieures?
Parce que la règle est de faire dormir son enfant sur le dos pour éviter la mort subite du nourrisson (MSN); et parce que ces aplatissements du crâne sont à peu près ignorés ou minimisés par les médecins.
La règle du dormir sur le dos a été élevée au rang de commandement biblique, sans que les conseils de bon sens n’y aient été clairement associés. En l’occurrence les simples règles de positionnement alterné sur le côté de la tête des bébés n’ont pas, et ne sont toujours pas énoncées. Et les objets de puériculture tels les cale-bébés dorsaux ou autres matelas cocoonant ont ainsi envahi le marché du « bien dormir »et généré de nombreuses têtes plates. La grande peur étant celle du retournement sur le ventre des enfants, on a oublié de rassurer les parents en leur expliquant qu’un bébé ne pouvait pas se retourner seul du dos sur le ventre avant 4 mois. Aucune prévention anti-tête plate n’est organisée officiellement.
Quant aux professionnels de santé, ils ignorent souvent le problème, ne cherchent pas à le dépister, ou adressent l’enfant à l’ostéopathe qui ne pourra jamais seul « redresser » un crâne.
La lecture du site plagiocephalie-moncombat.blogspot.fr est édifiante. Vous y découvrirez le combat d’une mère qui s’est heurtée aux « têtes bornées » pour faire soigner son enfant.
L’association plagiocéphalie info et soutien a recueilli d’immenses données concernant la plagiocéphalie.
Si vous vous sentez concernés, signez leur pétition de reconnaissance et de meilleure prise en charge de ce handicap.
Bref ! Si les parents s’attacheront, c’est sûr, à ce que leurs enfants aient la tête bien pleine ; il reste néanmoins à tout faire pour qu’il aient aussi la tête bien faite !
Rédaction: Dr Thierry Marck