mardi 6 mai 2014

Allaiter : Oui mais pourquoi ?! Les bénéfices sur l'immunité de votre enfant.


S’il y a bien un sujet où une grande majorité de personnes tombent d’accord, c’est l’effet protecteur du lait maternel et notamment son impact sur l’immunité du tout-petit.
Oui mais comment ça marche ? On entend parler des anticorps, terme assez générique qui veut tout dire et rien en particulier.
Je pense qu’il est important pour les mamans qui se lancent dans cette belle aventure de l’allaitement, de comprendre comment cela fonctionne, combien ce lait est parfaitement adapté aux compétences du nourrisson, et enfin comment cela évolue au fur et à mesure que bébé grandit.
Un équilibre délicat entre une flopée de composés anti-inflammatoires, de signaux pro-inflammatoires, d’autres signaux de stimulation voire de maturation, constitue les caractéristiques du lait maternel.
Protection par les anticorps et facteurs de croissance
* Immunoglobuline A
L’immunoglobuline est un anticorps produit au niveau des muqueuses (intestin) qui permet de neutraliser des toxines, virus, bactéries pathogènes.
La production d’anticorps IgA (Immunoglobuline A) chez le nourrisson est encore très immature. C’est pourquoi leur présence dans le lait maternel est particulièrement appréciable (on parle d’apport exogène).
Ceci assure la période transitoire jusqu’au moment où l’enfant pourra produire les siens.
Cet anticorps agit en déployant plusieurs stratégies qu’on peut résumer schématiquement de la façon suivante.
L’IgA se fixe sur les corps pathogènes… Ce faisant, l’ennemi prend de l’embonpoint, devient plus encombrant et n’arrive plus à se mouvoir, et se fixer sur la cible.
L’IgA peut aussi mimer la bonne clé s’adaptant aux récepteurs des tissus cellulaires : en bouchant les trous, les molécules d’IgA empêchent la fixation des toxines indésirables.
Enfin, un dernier mode d’action,  l’association IgA-bonne bactérie conduit à la formation d’un biofilm qui agit comme une barrière en empêchant la colonisation par d’autres bactéries.
Notons que les IgA sont particulièrement concentrés dans le colostrum et en plus chez les mères dont les enfants sont nés avant terme. Ceci illustre bien comment la composition du lait peut varier pendant toute la période de lactation pour satisfaire la demande évolutive de l’enfant.
* Facteurs de croissance
La protection via les IgA présentée précédemment, consiste en une protection passive. L’intérêt du lait maternel est qu’il va encore plus loin puisqu’il stimule la mise en place des molécules IgA propres à l’enfant (protection active).
Ce tour de main (si on peut dire) s’explique par la présence d’une protéine multi-fonctions particulière appelée TGF-béta (facteur de croissance de transformation). C’est un élément clé de la régulation du système immunitaire, souvent présentée comme molécule anti-rejet, impliquée dans l’augmentation de la tolérance orale (le fait de peu réagir à l’introduction dans l’organisme de protéines alimentaires) et surtout, elle favorise la synthèse des anticorps IgA (voir ICI). En effet, la concentration en TGF-béta dans le lait maternel est proportionnellement associé au taux d’IgA.
Chez l’enfant, la production de cette protéine est faible durant les premiers jours de vie et augmente graduellement dans les semaines qui suivent.
Pour pallier, le lait maternel présente des pics de TGF-b, juste après la naissance (donc surtout dans le colostrum) et la concentration chute de façon significative dans le lait mature. Il a également été montré que cette protéine survit très bien à la digestion et se retrouve fonctionnelle chez le nouveau-né.
De fortes concentrations de TGF-b ont été associées avec la prévention de l’eczéma atopique chez les enfants allaités ainsi que plus généralement une meilleure immunité face à l’allergie.
Protection par le microbioteLa marque de fabrique des enfants allaités (en bonne santé) est la présence de Bifidobactéries en grande quantité dans leur micro-biote. Ces bactéries viennent bien du lait maternel et subsistent jusque dans l’intestin de l’enfant.
Les rôles des Bifidobactéries sont multiples mais grosso modo, elles produisent des acides organiques et empêchent la croissance des bactéries pathogènes (par un effet de compétition)
Des études ont également montré une interaction forte entre microbiote et TGF-beta. Les Bifidobactéries semblent activer la production des TGF-béta.
Autres effets protecteurs: On peut également évoquer le rôle des oligosaccharides : source de prébiotiques pour nourrir les bonnes bactéries ; de plus les pathogènes s’y accrochent au lieu de se fixer sur les muqueuses (sont aussi évoqués un effet anti-adhésif des oligosaccharides).
Citons aussi la lysozyme présente dans le lait, une enzyme capable de tuer certaines mauvaises bactéries en détruisant les parois de leurs cellules. Egalement présentes dans le lait maternel, les défensives (alpha et béta) sont des courtes chaînes de protéines possédant une activité anti-microbienne.
La liste n’est pas exhaustive… mais on a déjà une bonne idée de ce qui peut se passer !
Evolution de la composition immunologique du lait et variations selon les mères
La composition du lait humain évolue selon la période de lactation et s’adapte aux besoins changeants de l’enfant, en contribuant au développement de ses propres défenses immunitaires.
Il semble que la mesure des taux de TGF-béta soit assez hétérogène d’une étude à l’autre ce qui s’explique par une variation d’une mère à l’autre. Des recherches ont montré que l’alimentation de la mère (plus ou moins riche en acide gras, et qualité des acides gras) ainsi que le métabolisme et poids de cette dernière soient des paramètres impactants. Mais des facteurs génétiques, et l’état de santé de la mère sont également importants (par exemple les taux de TGF sont plus bas chez les femmes présentant de l’eczéma).
Conclusion 
Riches en immunoglobulines, facteurs de croissances, enzymes, Bifido-bactéries, le lait maternel apparaît bel et bien, comme un guide pendant la période critique de transition entre la naissance de l’enfant (où la réponse immunitaire est immature) et le moment où les fonctions barrière sont bien en place.
Références : Oddy WH, Rosales F, "A systematic review of the importance of milk TGF-b on immunological outcomes in the infant and young child", Pediatr Allergy Immunol, Vol (21) : pp 47–59, 2010. Kavanaugh D. W. et al., "Exposure of Bifidobacterium longum subsp. infantis to Milk Oligosaccharides Increases Adhesion to Epithelial Cells and Induces a Substantial Transcriptional Response", PLOS one, DOI: 10.1371/journal.pone.0067224, 2013 Collado M., et al. "Maternal weight and excessive weight gain during pregnancy modify the immunomodulatory potential of breast milk", Pediatric Research, Vol 72, pp 77-85

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